La crédibilité des matériaux ethnographiques face au mouvement d’ouverture des données de la recherche

Auteur.ices/Authors : Alix Levain, Florence Revelin, Anne-Gaëlle Beurier, Marianne Noël

Les politiques d’ouverture des données de la recherche s’appuient sur des arguments de transparence, d’innovation et de démocratisation des savoirs. Cet article vise à rendre intelligibles leurs implications pour les communautés travaillant à partir de données ethnographiques, confrontées à une transformation des critères de reconnaissance de la crédibilité des savoirs qu’elles produisent.

Alors que les chercheur·e·s qui pratiquent l’ethnographie sont engagé·e·s dans des formes situées de partage des matériaux avec les pair·e·s, les autres disciplines et les « communautés sources », le renforcement du contrôle externe sur les conditions dans lesquelles ce partage s’effectue déstabilise les économies de la crédibilité qui structurent ces pratiques.

Davantage qu’une réticence au processus d’ouverture, le retrait des ethnographes du mouvement apparaît au terme de notre analyse comme résultant à la fois de l’existence d’écologies alternatives des matériaux empiriques et d’une éthique des marges incorporée dans des normes professionnelles souvent implicites.

DOI : https://doi.org/10.4000/rac.30291

Les reconfigurations des vecteurs de la crédibilité scientifique à l’interface entre les mondes sociaux

Auteur.ices/Authors : Fabrizio Li Vigni, Séverine Louvel, Benjamin Raimbault

La crédibilité des scientifiques fait l’objet de débats, qui portent sur les risques de décrédibilisation qui découleraient d’une perte d’autonomie des chercheur·e·s vis-à-vis d’intérêts économiques, de logiques militantes ou d’agendas politiques.

Ces situations de mise à l’épreuve de la crédibilité scientifique vis-à-vis de la société et de la communauté de pair·e·s soulèvent une question plus générale : comment les chercheur·e·s engagé·e·s dans des collectifs positionnés dans plusieurs mondes sociaux construisent-ils·elles leur crédibilité auprès de leurs collègues ?

Leurs activités renforcent-elles, ou affaiblissent-elles, les vecteurs classiques de la crédibilité scientifique ? De manière concomitante, observe-t-on l’émergence de nouveaux vecteurs de crédibilité ?

Les articles de ce dossier thématique interrogent les reconfigurations contemporaines de la crédibilité à partir de quatre axes de transformation des sciences, à savoir : l’ouverture et la bancarisation des données ; les relations sciences–industries ; l’interdisciplinarité ; et les engagements publics des chercheur·e·s.

Dans cet article introductif, nous revenons sur l’histoire de la notion de crédibilité scientifique dans les Science & Technology Studies – telle qu’elle a été proposée par Bruno Latour et Steve Woolgar, puis Steven Shapin et Thomas Gieryn – et sur la manière dont elle a été investie depuis ; puis nous présentons les cinq articles du dossier et en tirons les apports transversaux.

Nous soulignons que, bien davantage que l’avènement de nouveaux vecteurs de la crédibilité scientifique, ces articles donnent à voir des transformations à la marge, situées et contradictoires.

DOI : https://doi.org/10.4000/rac.30365

« Les brevets sont à peine au rang d’une publication » : Projets de valorisation et cycle de crédibilité au CNRS

Autrice/Author : Victoria Brun

Cet article vise à expliciter la place qu’occupent les activités de valorisation dans les carrières des personnels de la recherche publique et la manière dont ils travaillent ou non à les internaliser dans le cycle de crédibilité académique (Latour & Woolgar, 1979).

À partir d’une enquête conduite dans des projets de valorisation liés au CNRS, l’analyse montre que les activités de valorisation sont pensées conjointement avec les activités académiques. Si les chercheur·se·s échouent le plus souvent à les convertir en reconnaissance sans détour par la publication, il·elle·s peuvent réinjecter cet investissement sous forme de financement et d’équipement pour d’autres travaux.

D’autres décident de les externaliser, faisant de la valorisation un à-côté de la carrière. Les doctorant·e·s et les ingénieur·e·s, qui participent pourtant à alimenter le cycle de crédibilité des chercheur·se·s, investissent des voies professionnelles parallèles. Enfin, l’engagement dans des projets de valorisation expose à des risques de décrédibilisation que les chercheur·se·s dénouent en défendant une conception du désintéressement scientifique compatible avec la perspective applicative.

La transformation de l’économie de la crédibilité se fait donc à la marge, malgré les multiples dispositifs incitatifs des institutions de recherche.

DOI : https://doi.org/10.4000/rac.30214

Politiques documentaires et de médiation des livres numériques en bibliothèque académique

Autrice/Author : Mathilde Gourret

Il y a encore une dizaine d’années, en France, le livre numérique pouvait être qualifié de ressource « émergente » en bibliothèque académique. Les politiques documentaires des établissements peinaient à se saisir de cet objet nouveau. Depuis, le paysage éditorial du livre numérique s’est considérablement transformé.

L’offre éditoriale s’est diversifiée et l’essor des monographies numériques en accès ouvert entraîne une nouvelle donne pour les bibliothèques. Dans ce nouveau contexte, comment les bibliothèques académiques peuvent-elles intégrer les livres numériques dans leurs collections ?

Comment articuler les monographies numériques et imprimées dans une offre répondant aux besoins des usagers ? Pour répondre à ces interrogations, on s’intéressera aux politiques et pratiques documentaires mises en œuvre au sein des bibliothèques académiques françaises, en s’interrogeant en particulier sur les organisations, outils et processus qui sous-tendent ces pratiques.

URL : Politiques documentaires et de médiation des livres numériques en bibliothèque académique

Original location : https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/notices/71195-politiques-documentaires-et-de-mediation-des-livres-numeriques-en-bibliotheque-academique

Humanités numériques & Sciences de l’information : ressemblance, complémentarité et développements mutualisés

Auteur/Author : Basma Makhlouf Shabou

Cet article examine la relation entre les humanités numériques et les sciences de l’information, discutant de leurs similarités et de leur complémentarité, et conclut avec des études de cas illustratives et des définitions de termes clés. Les deux disciplines sont liées à la technologie numérique, à l’information et aux objets culturels, au comportement humain et sont centrales à la gestion et l’analyse de données.

Les sciences de l’information sont responsables de la préparation des données et de leur gestion tout au long de leur cycle de vie, tandis que les humanités numériques ont un potentiel important dans l’utilisation des archives et des collections spéciales comme laboratoires de recherche.

L’article aborde également le rôle de l’automatisation et de l’intelligence artificielle dans le développement de techniques et de méthodes utilisées dans les humanités numériques. Il explore des études de cas inspirantes dans le monde des bibliothèques et des archives, mettant en évidence le rôle culturel et les relations interdisciplinaires et transdisciplinaires impliquées.

Les exemples comprennent des archives numériques dans le domaine artistique, des institutions nationales et des projets européens tels que la Bibliothèque européenne et Time Machine Europe, qui combinent les humanités numériques et les sciences de l’information.

L’article conclut en soulignant la relation interdisciplinaire et transdisciplinaire continue entre les humanités numériques et les sciences de l’information, ainsi que les défis et les développements futurs dans le domaine.

URL : Humanités numériques & Sciences de l’information : ressemblance, complémentarité et développements mutualisés

DOI : https://doi.org/10.34874/IMIST.PRSM/jis-v21i2.39204

Recherche et dogmatisme : de l’improductivité du productivisme

Auteur.ices/Authors : Enka Blanchard, Zacharie Boubli

Le renforcement du discours de l’urgence dans nos sociétés accroît la mise sous tension de la recherche. Elle fait l’objet d’attentes croissantes, parmi lesquelles se distingue une demande perpétuelle de productivité. Celle-ci postule, d’une part, la mesurabilité de la productivité scientifique et, d’autre part, la capacité des politiques publiques à moduler la productivité de manière efficace et efficiente.

Nous proposons une critique de ces postulats fondée sur des études empiriques provenant de multiples domaines et analysant l’organisation de la recherche dans des champs variés. Le constat d’une efficacité douteuse des politiques de recherche contemporaines nous conduit à proposer l’explication d’un fondement culturel et idéologique à cet état de fait, tout en offrant des pistes pour en sortir.

URL : Recherche et dogmatisme : de l’improductivité du productivisme

DOI : https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.29994