Auteur/Author : Franck Aggeri
À quoi rêvent les jeunes doctorants en gestion lorsqu’ils débutent leur thèse ? Leurs aspirations ne diffèrent pas fondamentalement de celles des doctorants d’autres disciplines : ils valorisent l’autonomie supposée du métier, la réflexion et les discussions intellectuelles, la lecture, la création, l’écriture, la pédagogie.
Cette vision romantique du métier est souvent renforcée par la rencontre avec des enseignants-chercheurs qui leur ont donné le goût de la réflexion, leur ont fait découvrir l’esthétique de l’écriture et de l’argumentation, des textes marquants ou des recherches de terrain originales.
Bref, ils rêvent souvent de devenir des enseignants-chercheurs singuliers. Modèle des singularités vs modèle productif Le modèle des singularités dans la recherche, rappelle Lucien Karpik, est celui auquel se réfèrent traditionnellement les chercheurs.
Il repose sur une orientation symbolique « autour d’un ensemble de normes et de valeurs classiques : la découverte comme finalité, l’importance de l’originalité, de l’ambition et du plaisir intellectuel, un imaginaire enraciné dans l’histoire de la science, la position centrale du jugement des pairs, le pouvoir collégial ou semi-collégial, une conception du métier organisée autour de l’indépendance individuelle, une compétition animée par la volonté d’être le premier à découvrir et le premier à publier, le premier reconnu et le premier primé » (Karpik, 2012, p. 119).
À rebours du modèle des singularités, se développe depuis quelques années, notamment en économie et en sciences de gestion, un modèle productif qui repose sur une performance « objective » mesurée à partir d’une métrique simple : le nombre de publications de rang A.