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Les institutions culturelles (bibliothèques, archives, musées) sont placées dans une position délicate par rapport à la question de la réutilisation des produits de la numérisation patrimoniale. Les crédits publics alloués à la numérisation sont – comme les autres-en baisse et le volume des collections restant à convertir en format numérique est immense.
Confrontées de la part de leurs tutelles à l’injonction de trouver des pistes d’autofinancement, les services culturels sont incités à dégager des ressources propres en levant des redevances sur la réutilisation des oeuvres du domaine public numérisées. Mais d’un côté, il leur est aussi fait reproche de poser de nouvelles enclosures sur les biens communs de la Connaissance que devraient constituer les collections numérisées.
La numérisation constitue en effet le moyen de réaliser la promesse du domaine public, en permettant la reproduction et la diffusion à grande échelle des oeuvres, libérées des contraintes matérielles liées à leurs supports physiques.
Mais encore faut-il que ces activités de numérisation conduites par les acteurs publics soient soutenables financièrement à long terme, ce qui pose un problème de modèle économique devant être regardé en face. Cette question existe depuis les débuts de la numérisation, mais elle risque de se poser avec une acuité nouvelle à l’avenir.
En effet jusqu’à une date récente, la création de nouvelles couches de droits par les institutions culturelles sur les oeuvres numérisées soulevaient de nombreuses questions juridiques et cette pratique était même parfois dénoncée comme relevant du Copyfraud (fraude de droit d’auteur).
Mais avec la loi du 28 décembre 2015 « relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public » (dite aussi Loi Valter), la France a choisi de lever l’ambiguïté juridique d’une manière qui ne pourra désormais plus être contestée.
Le texte grave dans le marbre la possibilité pour les institutions culturelles de lever des redevances sur la réutilisation des « informations issues des opérations de numérisation des fonds et des collections des bibliothèques, y compris des bibliothèques universitaires, des musées et des archives ».
Il les autorise également à conclure des partenariats public-privé « pour les besoins de la numérisation de ressources culturelles » avec l’octroi d’exclusivités d’une durée pouvant aller jusqu’à 15 ans, susceptibles elles aussi de limiter la réutilisation des oeuvres.
Que cette possibilité d’établir des redevances de réutilisation soit désormais consacrée ne signifie pas cependant que les institutions culturelles soient obligées d’y recourir. Plusieurs services d’archives, de bibliothèques ou de musées ont choisi d’autoriser la libre diffusion des oeuvres qu’elles numérisent en respectant leur appartenance au domaine public.
URL : https://hal-univ-paris10.archives-ouvertes.fr/hal-01528096/