Auteur/Author : Violaine Rebouillat
Cette thèse s’intéresse aux données de la recherche, dans un contexte d’incitation croissante à leur ouverture. Les données de la recherche sont des informations collectées par les scientifiques dans la perspective d’être utilisées comme preuves d’une théorie scientifique.
Il s’agit d’une notion complexe à définir, car contextuelle. Depuis les années 2000, le libre accès aux données occupe une place de plus en plus stratégique dans les politiques de recherche. Ces enjeux ont été relayés par des professions intermédiaires, qui ont développé des services dédiés, destinés à accompagner les chercheurs dans l’application des recommandations de gestion et d’ouverture.
La thèse interroge le lien entre idéologie de l’ouverture et pratiques de recherche. Quelles formes de gestion et de partage des données existent dans les communautés de recherche et par quoi sont-elles motivées ? Quelle place les chercheurs accordent-ils à l’offre de services issue des politiques de gestion et d’ouverture des données ?
Pour tenter d’y répondre, 57 entretiens ont été réalisés avec des chercheurs de l’Université de Strasbourg dans différentes disciplines. L’enquête révèle une très grande variété de pratiques de gestion et de partage de données. Un des points mis en évidence est que, dans la logique scientifique, le partage des données répond un besoin.
Il fait partie intégrante de la stratégie du chercheur, dont l’objectif est avant tout de préserver ses intérêts professionnels. Les données s’inscrivent donc dans un cycle de crédibilité, qui leur confère à la fois une valeur d’usage (pour la production de nouvelles publications) et une valeur d’échange (en tant que monnaie d’échange dans le cadre de collaborations avec des partenaires).
L’enquête montre également que les services développés dans un contexte d’ouverture des données correspondent pour une faible partie à ceux qu’utilisent les chercheurs.
L’une des hypothèses émises est que l’offre de services arrive trop tôt pour rencontrer les besoins des chercheurs. L’évaluation et la reconnaissance des activités scientifiques étant principalement fondées sur la publication d’articles et d’ouvrages, la gestion et l’ouverture des données ne sont pas considérées comme prioritaires par les chercheurs.
La seconde hypothèse avancée est que les services d’ouverture des données sont proposés par des acteurs relativement éloignés des communautés de recherche. Les chercheurs sont davantage influencés par des réseaux spécifiques à leurs champs de recherche (revues, infrastructures…).
Ces résultats invitent finalement à reconsidérer la question de la médiation dans l’ouverture des données scientifiques.